Immersion dans une recherche exploratoire

Le 17 janvier 2022, nous nous sommes rendus à l’Institut Jean Le Rond d’Alembert/LAM/Université Sorbonne – UMR 7190.

Séance programmée : test d’un dispositif de diffusion en Wave Field Synthesis en ligne (WFS). Le système de diffusion sonore est composé de panneaux vibrants : 8 excitateurs sont collés à l’arrière de chaque panneau, qui est donc équivalent à 8 enceintes. L’avantage de ce système de panneaux, mis en œuvre à l’IRCAM il y a 20 ans, est la discrétion, il permet en effet de placer un grand nombre d’enceintes sans que le public ne s’en aperçoive. Les panneaux, de couleur blanche, peuvent même servir de support pour projeter du visuel.

Nous avons été reçus par Brian Katz (DR) et une partie de son équipe, notamment Julien de Muynke (doctorant, ANR PHE), Sarabeth Mullins (doctorante, Thèse MITI/ chantier scientifique CNRS/MC/ Notre-Dame) et David Poirier-Quinot (post-doc).

Premier jour : lundi

Quel matériel ?

Le système à mettre en œuvre est constitué de 5 plaques de 8 HP, 4 amplis (dont 1 double), 4 cartes sons et bien sûr tout un réseau de câbles tant audio qu’électrique.

Après une réunion de service, l’aventure a commencé.

Quelle installation ?

Martin et Julien ont commencé à déployer le système dans un studio insonorisé permettant une disposition en U (figure 2)

Chaque panneau contient 8 HP, espacés de 0,17 m. La première configuration comporte donc 40 HP.

Le tout premier travail (après l’installation des panneaux et leur branchement) consiste à programmer le sens de diffusion de chaque panneau (dans les panneaux de 1 à 8 et pour la totalité des panneaux de 1 à 5 pour obtenir une diffusion sur la totalité des HP de 1 à 40).

L’installation, et la totalité des réglages (cartes sons, repérage des HP, leur programmations…)  aura pris…. toute l’après-midi. Tout le monde est fin prêt pour les premiers essais…. qui se feront, nous sommes tous d’accord, le lendemain.

Second jour : mardi

C’est le grand jour…. enfin, on pense que c’est le grand jour.

Après un café et un thé, on est d’attaque pour les premiers tests : envoi de quelques sons dans l’installation.

Rapidement, on se rend compte que… l’essai n’est pas satisfaisant. La forme en U est trop étroite et ne rend pas l’effet escompté.

A mi-matinée, on décide de changer la configuration dans la salle : une forme en L avec 1 panneau sur 3 panneaux (dont un peu en biais, faute de place sur la longueur). Une fois les panneaux repositionnés, il faut refaire les réglages.  Les tests faits en fin d’après-midi n’apportent pas satisfaction.

La salle n’est pas suffisamment longue, les conditions de diffusion ne sont pas bonnes.  Il faut trouver une autre solution : une autre salle.

Bon, ce n’était pas le grand jour!

Troisième jour : mercredi

Julien a trouvé la salle et, par chance, elle est libre : on va pouvoir déménager la totalité du matériel.

Cette fois, on placera 4 panneaux sur la longueur du mur afin d’obtenir un “front d’onde”.

On commence à être rodés : tout sera en place et en état de fonctionnement juste avant la pause de midi.

A la reprise, Martin commence à intégrer quelques fichiers audio. On note qu’il y a des “zones d’ombre” et que l’on peut délimiter une sorte de couloir de diffusion. On les matérialise au sol. Le point 0 sera au centre de la longueur des  panneaux, et à peu près 2m de ceux-ci. Au bout d’une heure, un ampli semble ne plus fonctionner. Heureusement, on en a un de secours. Très rapidement, tout est rebranché.

Dans un premier temps,  Julien et Martin se lancent dans quelques tests sur la spatialisation de voix (travail de Julien de Muynke et Julien Ferrando – Projet IMAPI/LAM/PRISM) : quatre chanteurs positionnés différemment dans l’acoustique d’une chapelle papale du Palais des Papes d’Avignon. L’effet obtenu est bluffant : la spatialisation très présente et selon où l’on place les voix, la couleur de l’oeuvre change et arrive même à déstabiliser l’écoute – notamment lorsque l’on place les basses sur le devant. Mais on reste sur une spatialisation relativement serrée (espacement de maximum 1m entre les chanteurs).

L’étape suivante consistera à ouvrir le champ spatial. Premier exemple : spatialisation du moulin hydraulique de Guédelon. La captation sonore comporte 4 localisations de points de captation :

• le bief (ouverture du canal pour l’alimentation en eau et la mise en action de la roue) ;
• la roue à aubes (qui fournit la force motrice) ;
• le mécanisme de renvoi (pour mettre en oeuvre la partie supérieure) ;
• la partie supérieure ( la meule et son babillard).

Nous partirons du principe que l’ouverture du bief se fait à gauche de la scène et qu’il n’y aura pas d’élévation (normalement la meule et son babillard se situant à 2,5m du sol). Dès les premiers essais, l’effet spatial linéaire est très présent : on entend bien l’ouverture, la progression de l’eau, la mise en mouvement de l’ensemble des mécanismes. Cette fois encore, l’essai est probant.

Un nouvel essai est tenté, cette fois avec un déplacement de tombereau. Martin programme le déplacement de manière à ce que le véhicule hippomobile passe de gauche à droite. Une zone d’ombre semble très présente à gauche (comme si le tombereau surgissait d’un seul coup). Malgré différents essais, on ne trouve pas de solution adaptée.

Cela ne nous décourage pas, nous allons faire un essai plus complexe : faire arriver le véhicule sur nous (un peu comme dans le film des frères Lumière “Arrivée du train dans la gare de La Ciotat”). L’effet est très présent : le véhicule semble s’arrêter à nos pieds. Nous terminerons la journée avec différents types de déplacements spatialisés afin de bien comprendre si le système répond bien à notre demande : diffusion devant les panneaux, derrière les panneaux, etc….

Cette troisième journée donne vraiment toute satisfaction. Demain sera le grand jour : la démo devant l’équipe qui nous accueille.

Quatrième et dernier jour : jeudi

Nous commençons la journée par une réécoute des scènes sonores qui ont été mises en place la veille. Il est important de profiter du début de journée pour estimer à nouveau notre travail avec des oreilles “fraîches”. Nous ajustons quelques paramètres en conséquence pour peaufiner nos scènes : le mouvement de la calèche passant de gauche à droite est plus crédible.

Martin s’attèle ensuite à la réalisation d’une ébauche de paysage sonore du chantier de construction de Notre-Dame. Il s’agit de composer une petite scène sonore en faisant entendre les principaux corps de métiers présents sur le chantier : tailleur de pierres, charpentiers, maçons, forgerons. L’objectif est double : donner une idée aux autres membres de l’équipe d’un paysage sonore du chantier de Notre-Dame mais également d’entendre comment ces sons, essentiellement percussifs, “réagissent” dans notre système de diffusion.

Après le repas, toute l’équipe se réunit dans la salle pour que nous présentions nos travaux. Martin et Julien diffusent et expliquent les différentes scènes sonores en détail, le but étant que tout le monde puisse écouter dans de bonnes conditions, en se déplaçant afin de nous donner leurs retours. Selon notre audience, l’effet est plutôt satisfaisant mais quelques points peuvent encore être améliorés : le logiciel de spatialisation WFS peut être configuré pour mieux répondre à nos attentes, la réverbération du Palais des Papes peut être simulée plus finement avec une réponse ambisonique et le montage des séquences travaillé davantage pour mieux rendre les effets d’éloignement et de rapprochement.

Conclusion

Cette semaine aura été pour nous l’occasion de mener une expérimentation sur du matériel dont le laboratoire LAM ne se servait pas. Notre premier objectif était donc de s’assurer que le matériel était  encore en état de fonctionnement : malgré quelques avaries mineures, le matériel est utilisable. Notre deuxième objectif était de trouver les dispositions de panneaux les plus optimales pour la qualité d’écoute, nos conclusions sur ce sujet sont sans appel : seule la configuration en ligne donne des résultats pleinement satisfaisants. Enfin la réalisation de petites scènes sonores nous a permis d’estimer les possibilités, les limites ainsi que les perspectives d’amélioration du dispositif.

Au vu des résultats positifs de nos expérimentations, des moyens devraient être investis pour faciliter l’installation et le câblage du dispositif dans le but de proposer l’installation au grand public dans le cadre d’événements comme les Innovatives SHS 2022 (fabrication de supports pour les panneaux et amplis pour remplacer les tables, achat d’une interface audio unique capable d’alimenter tous les panneaux).

Le dispositif a également créé de l’engouement chez d’autres chercheurs qui nous ont exprimé leur envie de l’utiliser dans le cadre de leur projet et de poursuivre ainsi les expérimentations. Cette émulation doit nous permettre de progresser dans nos propres réflexions.

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